16.3.09

Bienvenue en Bretagne


ta mère tu le sais était bretonne. Mais plutôt que d'en rajouter une couche, livrons-nous céans à un exercice d'ergothérapie consistant à enfiler des perles : en 1998, les lycéens passaient déjà le bac ; en 1998, dans l'académie Créteil-Paris-Versailles, le sujet de géographie portait sur la Bretagne ; en 1998, un quotidien national de droite s'accompagnant le week-end d'un supplément magazine publiait, quelques mois après les épreuves, une sélection de perles cueillies au fil des copies corrigées - non sans accompagner droitement cette sélection d'un commentaire droitier sur le pourcentage d'élèves à avoir, malgré tout, obtenu le diplôme... Parmi ces perles :

- "Les deux régions de la Bretagne sont la Champagne humide et la Champagne pouilleuse. La Champagne humide est un pays d'étangs et de marées."

- "Notons les pruneaux d'Agen, dont la renommée est mondiale."

- "La Bretagne vote traditionnellement à droite car elle est tournée vers la mer."

- "La Bretagne est de forme triangulaire, par conséquent peu élevée."

- "Les vieilles femmes pratiquent la fabrication du beurre."

- "La Bretagne est aussi une région de poissons fumés."

- "Les côtes bretonnes sont le lieu où sont cachés les trésors des pirates et les Bretons qui sont cupides et avares se battent pour ces trésors."

- "Les Bretons se reposent six mois de l'année."

- "Les côtes bretonnes sont situées au niveau de la mer."

- "La Bretagne forme un bras qui donne dans la Manche."

- "La Bretagne se distingue du reste de la France par sa position au bord de la mer."

- "Les vaches, à cause de la proximité de la mer, donnent du lait salé dont on fait le délicieux beurre breton de pré salé."

- "Les montagnes ont été usées par les invasions des Maures."

- "L'érosion a créé des curiosités telles que menhirs et dolmens."

- "La Bretagne est un pays d'élevage : bovins, oursins."

- "La culture du coton est assez peu développée."

- "La population bretonne n'est actuellement plus rénovée."

- "Le climat chaud permet la culture de la vigne, la Bretagne est en effet célèbre pour le cidre."

- "La Bretagne, selon les Anciens, se serait détachée de l'Amérique il y a plusieurs millions d'années."

- "Dans ce pays, les sabots sont de rigueur."

- "Physiquement, la Bretagne est rattachée à la France par un lien très fragile."

- "Son climat connaît des précipitations telles que la pluie."

- "Les vaches bretonnes produisent du lait."

- "La situation figée de la Bretagne s'explique par son passé celtique."

- "La Bretagne a une structure très originale, de nature physique due aux humains qui la peuplent."

- "La pêche n'est plus au stade artisanal comme chez nous en France."

- "Le massif hercynien a été saboté par l'érosion."

- "Les grands ports bretons sont le Pas-de-Calais qui nous permet d'aller en Angleterre, le Finistère, le Havre. Seule la Somme est navigable.

- "La population de Bretagne diminue parce que tous les pêcheurs meurent en mer."

- "Les problèmes bretons ne sont pas seulement du domaine de la fatalité mais aussi de l'imbécillité des gens qui sillonnent les mers."

- "En se promenant, on peut voir les fameuses femmes bretonnes avec leur chapeau en dentelle et des calvaires qui prouvent que nous sommes dans une région moyen-âgeuse et calcaire."

- "La population bretonne ne se compose que de quelques fermiers."

- "Le bocage breton est formé de haies de cyprès qui protègent les cultures du mistral."

- "La Bretagne est une région pêchière par excellence."


En 1998, je m'étonnais d'avoir, deux ans plus tôt, obtenu une très bonne note au baccalauréat d'histoire sur un sujet portant sur l'Indochine, alors que j'avais évoqué les bombes au "népalm" (concaténation de "napalm" et de "Népal"), ainsi que "Jean Saintony" (confusion entre le nom réel du bâtard sus-médit, "Sainteny", et la marque d'un déodorant, cette année-là fortement publicisé, "Sintony", qui "parfum[ait] partout").

Morale de l'histoire : si tu ranges des perles dans tes mots-valises, tu passes la douane sans rien déclarer.
Autre morale possible : ce n'est pas parce qu'il y a erreur sur le nom qu'il n'y a erreur sur personne.

Prolixe en anecdotes, un professeur de philosophie dépêché à la correction du baccalauréat 1998, année faste s'il en fut, nous rapporta - nous étions 15 à table et l'eau ne coulait que sous les ponts -, à propos d'un sujet traitant de l'irrationnel, l'aphorisme suivant : "Les fantômes, on sait pas mais on sait jamais". Lequel rappelle le plus convenu mais toujours savoureux "Moi j'aime mais faut aimer", en apportant toutefois une dose de scepticisme que le globeur ci-globant préfère de loin à la tyrannie égo-esthético-centriste du second.

Maintenant, quel écriveur un peu honnête n'avouerait pas rêver de produire un jour de telles décharges poétiques ? "La Bretagne est de forme triangulaire, par conséquent peu élevée", ou "En se promenant, on peut voir les fameuses femmes bretonnes avec leur chapeau en dentelle et des calvaires qui prouvent que nous sommes dans une région moyenâgeuse et calcaire", ou encore "La population de Bretagne diminue parce que tous les pêcheurs meurent en mer"... Franchement, comparé à Desnos... En plus, ce fut écrit, selon toute probabilité, dans l'humilité (celle de l'aspirant bachelier), la sobriété et l'abstinence psychotropiques (98, enfin...), l'urgence (2 heures pour l'histoire, 2 pour la géo) ; pas comme ces branleurs surréalistes affalés sur leur canapé de hashishins, morguant la plèbe et se mettant à trois ou quatre pour prendre leur temps d'aligner cinq mots...

Plus qu'une amibe, plus qu'un plat longuement mijoté, je voudrais être une huître.ta mère tu le sais était bretonne


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