28.2.09
PAs vu PAs pris
ta mère tu sais était bretonne c'est ce qu'on t'a dit.c'est de la connaissance par ouï-dire le plus bas degré de la connaissance comme nous sommes nés ou les russes existent/ça c'est dans Morse le film dont tu parleras un jour.tu as ouï dire aussi qu'elle portait des gaines des bandes des ceintures de contention autour de son ventre pendant la grossesse.fallait pas que ça se voit tu entends fallait surtout pas/son père l'aurait tuée as-tu ouï dire.fallait aplatir en serrant/il y a un article où sont détaillées les séquelles possibles de la compression in utero prématuration anomalie du développement cervical par insuffisance d'oxygénation handicaps divers atrophie osseuse et ou musculaire toi ça va ? ça va j'ai juste mal/mais les comprimés sont là pour ça/tu comprends tu avais déjà deux frères si on peut le dire ainsi on ne jouait pas aux petits cochons dans cette famille là à cause du loup ? tout juste papy lycanthrope.donc ça a dû passer vite pour toi c'était simple quand elle dort tu peux bouger quand elle veille t'es tout serré/t'as eu le cogito brutal/j'ai mal donc elle est.accouchement au rayon X comme dans les grandes surfaces fallait vraiment pas que ça se voit qu'elle te voie que tu la voies.t'as attrapé l'oedipe par la fin toi t'es verni de chez delaveine tu commences par les yeux morts/passé quelques jours chez une nourrice polonaise mais tu faisais chier à pas dormir à pas manger à pas te développer alors/retour à l'hôpital.ils se sont demandé si tu étais viable non tu ne rêves pas c'est le mot inscrit sur le dossier que tu as consulté quand tu as compris que tu aimais lire.nourrisson anorexique convulsif dyspnéique on appelle ça hospitalisme maintenant/c'est de la connaissance par vu-dire ça s'appelle la lecture c'est comme ça râle pas.tu as vu les traces d'encre laissées par sa main sur le formulaire d'abandon la date le cochage le X tu as imaginé qu'elle signait ça après le travail mais tu n'en sais rien même si tu étais là/alors ils ont essayé de t'attacher à une infirmière 24/24 ça a marché/ils t'ont mis à l'essai dans une première famille ça a marché trop bien/c'est devenu tripal trop/alors il a fallu te laisser partir dans ta famille définitive non tu ne rêves pas c'est ce qui était marqué sur le formulaire signé du médecin chef de là où tu as symptomisé l'hospitalisme famille qu'on appelle adoptive parce que définitivement ce n'est pas bio.là tu as servi à remplacer l'enfant que pérémére ne pouvaient faire avec leurs organes tu as servi à remplacer le frère de mére mort à cause de ses organes.tu as servi de référence de modèle de jésus d'einstein de zébulon de mozart de père pour pére de sextoy pour mére.once you were a son tu as pris place et tenu lieu.mais sinon ça va ? oui mais je n'ai toujours pas parlé de parme/c'est bien toi ça toujours à fouiner où ça ne te regarde pas ne te voit pas.on dit sous X/comme s'il y avait quelque chose en dessous du X/le Y/exact les croix servent à biffer à cocher pas à signer quand on sait écrire.au moins maintenant tu sais pourquoi tu aimes la lecture.parce que tu es "son"/"fils"/"son fils"/je ne vois pas pourquoi je m'entête à l'appeler.soleil
27.2.09
hic italique
CHAMBRE-CHEMINEE
chambre - cheminée
itinéraire obligé
les dalles sont froides
le plancher gratte les pieds
vite, petit bois pour amorcer
chambre - cheminée
attention chasse gardée
j'écarte les toiles
d'araignées pour épier
celle qui au bois
m'a allumé
chambre - cheminée
déviation imposée
sous les draps roides
elle s'est toute allongée
d'un air maussade
a somnolé
chambre - cheminée
sens giratoire aligné
la nuit pas si noire
les rats dans le grenier
rose la moire
de boue gelée
chambre - cheminée
aller, retour et aller
l'hiver se cabre
l'eau goutte dans l'évier
pas de palabre
avant coucher
chambre - cheminée
le départ et l'arrivée
26.2.09
Back from CHIRICO
En même temps, on peut aussi aller voir l'expo Chirico au Palace Tokyo ("Iéna", en métro).
Alors comme ci, c'est le complexe de castration qui nous interdirait tout accès au réel ? Alors comme ça, il serait plus intéressant de savoir, devant une oeuvre, non pas CE QUI y est dit/montré/fait entendre, mais le POURQUOI de l'affaire (la mère de l'artiste, son chien, sa peur d'aller à la piscine, avoir surpris tonton et son voisin dans la cabane près du pommier, etc.) ? Alors comme cela, on aurait juste à réagir (aimer/pas aimer) puisqu'au fond on ne comprendrait rien ? Alors comme celi, primum vivere deinde philosophare, et avec la krise, niksark et le buying pawa qui s'barrankouï, c'est pas gagné ?
Face à ces immondices, Chirico lave plus blanc.
Alors, oui, la récurrence naïve du mot "metafisica", les bafouilles sur le "sens secret des choses" et le rôle de l'artiste comme "voyant" actif, tout cela peut sembler un peu daté, pré-pubère - surréaliste. Mais il faut quérir au-delà de l'écran de fumée, sinon on passe à côté de l'étincelle...
Autoportrait de jeunesse - comme une devise, une phrase sous l'image : Quid amabo nisi quod aenigma est ? ("qu'aimerai-je, sinon ce qui est énigme ?"). Il s'agit d'amour, pas de désir, là on est dans la baise, pas dans le fantasme - mais de l'amour au futur : projet ? attente ? pré-vision ? Avec un peu de facilité, on pourrait même comprendre cette phrase, non comme un commentaire livré par "l'artiste" - celui qui peint, se peint, est peint - mais comme une ligne d'un dialogue que le "spectateur" aurait à prendre à son compte : qu'aimerai-je, dans ces tableaux, si ce n'est l'énigme qu'ils ouvrent.
Et des énigmes, il y en a ! Visages sans traits zébrés de traits, perspectives brouillées, bananes géantes en lieu et place de statues, espace déserts, ombres sans sujet, équerres et compas, pâtisseries juives, bobines, cheminées, fanions, plans coupés,...
Béance grouillante.
Et donc, face aux tableaux : on ne comprend pas, les symboles sont indéchiffrables faute de clé et/ou trop voyants et/ou non repérables. Un vide, donc, une énigme. Comment faire ? Il faut bien pourtant mettre du sens, produire du texte, parler - ne serait-ce qu'en raison de la fraîcheur appétissante de la voisine de droite, qui semble n'attendre que cela. Mais qu'est-ce qu'on va mettre dans ce vide ?
Ce qui semble unique chez Chirico (en comparaison avec Dali, par exemple), c'est qu'il est difficile de se la raconter devant ses toiles.
Essayez, pour voir...
Vous pouvez, souplement, commencer avec l'homosexualité contrariée de l'artiste, enchaîner à l'aise avec son rapport complexe à l'Italie, embrayer peinard sur la dualité futuriste/baroque de ses champs d'investigation, continuer pépère sur "pourquoi la locomotive ?", rameuter relax les références plus ou moins assumées à "l'Histoirdelar", etc.
A un moment, ça bloque.
Je ne sais pas pourquoi, mais ça bloque. Chirico ne se paye pas de mots.
Je ne sais pas pourquoi, mais ça doit tout de même avoir un lien avec sa "méthode" : partir des rêves/visions/rêveries/fantaisies, postuler que là est le sens, et se trimballer cette croix sans succomber jamais aux tentations de la psychologie psychanalysante à la sauce Jung (qui est le vrai fossoyeur de l'art moderne, qu'on se le dise !). D'avoir introduit la géométrie des lignes (axes, points de fuite) comme moyen de contenir le feuilleté infini du rêve dans la toile - si je ne m'abuse, jusque là, la perspective avait surtout servi à mettre le monde en boîte (cadre de tableau, scène de théâtre).
Alors, évidemment, sortir que "le rêve c'est de la géométrie vectorielle", ça n'aide pas à rendre réelle l'éthique du dialogue que l'on voudrait inventer avec la voisine de droite... (qui est déjà dans la salle néo-baroque, alors que Le Combat, pré-Guernica, nous tend les bras...).
Il y a une petite sculpture, réalisée par Chirico d'après un tableau, qui - paradoxalement - fait comprendre tout cela très bien : une femme éplorée s'appuyant sur l'épaule d'un "mannequin" ; regardez-la sous tous les angles, dans la mesure du possible, et vous verrez... L'impression qu'à chacun des angles choisis, l'objet renouvelle ses lignes, ses élans, ses dynamiques... Si ce n'est pas un rêve, ça !
MATINES
j'ai mal dormi
trop démunie
pour faire la nuit
à l'envers
sortir du lit
marcher et puis
faire glisser le terre à terre
presser le pas
la girouette
au fond d'ma tête
picore un chapelet de trop
j'suis à la fête
l'escarpolette
fait tanguer l'arc de mes os
sauter le pas
à l'aventure
de la serrure
le jour se fait
trop galant
dans ma ramure
sous mon armure
je regarde passer les gens
danser le pas
j'ai mal souri
trop racornie
pour assouplir
mes revers
rentrer au lit
rêver et puis
dormir peut-être
dans l'envers
perdre le pas
(chanson pour la Zouz', 95 ou 96)
FAR OUEST
New York 5000 - Paris 800
de porte à port Ouessan-Corsen
des rochers comme des vagues mortes
gluant goémon qui s'emporte
on touche à peine le bout du monde
la terre continue d'être ronde
Y a d'quoi se perdre dans son histoire
avec ce vent de mélasse noire
toute la bio, toute la psycho
graphie-logie du Landernau
n'font pas crier les mouettes plus fort
et n'réveillent pas la pierre qui dort
Ici je donne tout juste l'échelle
impossible de se faire la belle
entre l'Atlantique et la Manche
la couture des mers est étanche
on dit que le vent te rend fou
un zeph de trop, te voilà saoul
Peu de soleil sous les nuages
des ruines jetées sur les herbages
et des Allemands qui rient morne
pour la photo devant la borne
il paraît qu'il y en a qui sautent
pour n'plus être suivis par la côte
Lent de main qui chante
25.2.09
VEILLERESSE
la porte n'est plus fermée
un lierre se dresse
mais ne veut pas pousser
il y a bien quelques voitures qui passent
mais de la route
qui se boucle
on fait sagesse
à Veilleresse
le réverbère reste allumé
un vieux y guète
et va mourir
à y rester
le lierre le presse
de dire le temps qui passe
lui somme toute
le temps qu'il goûte
sans y penser
à Veilleresse
la maison s'est désolée
un lierre s'y presse
mais semble hésiter à porter
la loze verte
et les hauts murs
qui passent
leur temps en déroute
leur temps en boucle
bien harassés
à Veilleresse
on ne veut guère plus compter
qu'un lierre en tresse
une lumière
un vieux jeté
il doit y avoir
quelques gaietés
à Veilleresse
qui meurt
d'avoir laissé
sa porte ouverte
Veilleresse est un lieu-dit dans le Cantal, près de Salers : une unique maison autour de laquelle la route bitumée forme comme un cercle.
24.2.09
Versifications #1
Poème polyvox écrit en 1996 :
La voix est la peau du regard,
des anneaux magiques avec ses doigts.
Soit ce rêve un instant consolé :
baigner dans le miel,
torturer le noir d'une peau si frêle.
On se lève pour sortir de la douleur,
poings serrés sans colère. Tu crispes les augures,
et le moineau capuchonne dans tes cheveux
un regard penché :
la fourche rousse, une gondole de crin.
Le "poème polyvox", c'est un peu comme le cadavre exquis sauf que non. Ici, le principe est qu'un vers sur deux cite une phrase, une expression, prononcée par un tiers ( en l'occurrence, l'amie d'alors, au cours d'une discussion), et utilisée dans le poème à son insu. Une sorte de cadavre exquis non concerté...
En y repensant, il est possible que le texte entier se compose exclusivement de citations...
23.2.09
FEINTE
Texte écrit en 1998, s'autorisant d'un concours de nouvelles dont le thème était "Touche" (98, le Mounedial de Foute, "touche"... sans commentaires), d'où le titre - les mots "marches" et "feintes" désignent les "touches", longues et courtes, du clavecin.
degré de perfection ne devroient jamais faire aucun
exercice pénible de leurs mains. Celles des femmes, par
la raison contraire, sont généralement meilleures. J'ai
déjà dit, que la souplesse des nerfs contribue beaucoup
plus, au bien-joüer, que la force ; ma preuve est sensible
dans la différence des mains des femmes, à celle des
hommes ; et de plus, la main gauche des hommes, dont
ils se servent le moins dans les exercices, est communé-
ment la plus souple au clavecin
- Mais je vous écoute vraiment...
- Ce n'est pas la question. Du moins, ce n'est pas la question que je me pose. C'est même en général le genre de question que je m'interdis de poser. Non, voici : jusqu'où pouvez-vous accepter la superficialité ?... Non, un autre mot : la surface. Parce que la musique, en jouer, en écouter, en écrire, cela se ramène à un jeu de surfaces qui vibrent et échangent leurs vibrations, n'est-ce pas ? Alors la question est : jusqu'où pouvez-vous accepter, tolérer, que tout, absolument tout, musique et autres, n'existe qu'en surface, ne s'engendre qu'en surface, ne meure qu'en surface ?
Elle posa un doigt sur une touche, la laissant juste s'enfoncer sous son poids. Il y eut une zone vide, où la palette de bois ne fit que s'abaisser. Puis un très léger craquement - le gratté du sautereau contre la corde - perceptible au gras du doigt. La note. Dont le développement sonore suscita en elle l'image d'un champignon atomique en accéléré.
- Je ne comprends pas... Ou alors...
- Ou alors tout cela vous paraît bien banal, éloge de la légèreté et tutti quanti ?
- Je croyais que vous vous interdisiez de penser à la place des autres ?
Il se leva pour aller se rouler une cigarette.
- On peut s'arrêter là pour aujourd'hui. Revenez quand vous voudrez, mais téléphonez quelques jours avant. Ou bien prenons rendez-vous dès à présent ?
Majéna ne répondit pas et se leva à son tour. Il y avait deux sièges face au clavier : celui de "l'élève", noir, molletonné, réglable en hauteur ; celui du "maître", chaise de cuisine agrémentée d'un coussin de velours bordeaux. Cette affectation, cette philosophie "profondeur des surfaces".... Insupportable ! Un vrai Prix de Rome ! Quel fatras pour enseigner à jouer correctement un petit prélude de Couperin et une toccata de Froberger... Elle s'acquitta du montant du cours et, en payant, supposa qu'il aurait aimé voir cette conclusion ressembler à la fin d'une séance d'analyse interrompue avant terme par un caprice plein de sous-entendus : paiement gêné du patient, silence détaché du maître d'oeuvre, porte qui se referme sur les trop-pleins du non-dit, "Je sais quand, comment et pourquoi elle reviendra"... Non, vraiment, pas grand-chose à sauver, hormi cette histoire de pêche : d'habitude, les enseignants emploient l'image de la balle de tennis, moins poétique... La "pêche", c'est bien trouvé, plus original... "Imaginez-la parfaitement mûre !"...
Il fumait sa cigarette en attendant qu'elle ait fini de glisser les partitions dans sa sacoche avec une gestuelle fluide et ordonnée. Cette manière qu'elle a de prendre son temps... Cette manière qu'elle a également de se glisser, avec ordre et fluidité, dans son petit manteau de mouton... Il parla en laissant la fumée s'échapper de sa bouche :
- Il vaut mieux s'en tenir là pour aujourd'hui, n'est-ce pas ?
Sur cette question, le débit de la parole ralentit considérablement : un point d'interrogation entre la voyelle et la consonne. Il répéta :
- N'est-ce pas ?
- Vous savez, je crois que je suis tout bonnement déstabilisée, et dans ce genre de situations, je deviens facilement irritable. Je ne voudrais pas...
- C'est donc sans malentendus que...
- Que ?
- ... Je vous raccompagne à l'ascenseur.
- Je prendrai les escaliers.
- Vous êtes jeune...
- Ma foi...
Le bruit de leurs pas sur la moquette réinstaura une pulsation plus allante, mais sourde. Ils bâclèrent leur première poignée de main. Puis ce fut le long trait, diminuant peu à peu, des escarpins dévalant les marches de bois. Puis le déclic du loquet automatique. Le bruit - verre et ferronnerie massive - de la porte du hall. Il ramassa sur le palier un gant qui s'était échappé de la poche du manteau.
- J'ai passé l'après-midi à lire. Une histoire un peu mais pas trop. Je te raconte ?
- Pourquoi pas ? Du moment que tu fais vite...
- Ore voulez ouïr, amante mienne, l'histoire affligeante d'un type un peu dérangé, qui déménage six fois en cinq ans - où l'on peut discerner d'aucun signe d'instabilité... Le truc, c'est qu'il s'obstine, plus ou moins délibérément, à dégrader petit à petit les lieux qu'il habite ; note qu'il est alcoolique, ça aide... Donc, invariablement, un ou deux mois après son installation, il abandonne le ménage, oublie les poubelles, ne range plus, et je t'épargne les détails organiques. Jusqu'à ce que le logement lui devienne insupportable : il fait alors un vague nettoyage, du genre "veuillez laisser ces lieux etc.", et vogue la galère... Six fois ! Jusqu'à ce qu'il hérite un appartement à Paris, son oncle je crois. Et là ! Miraculum ! Il devient "The Mage of the Logis", astique, décore, brique, invente des solutions à tous les problèmes domestiques, et transforme le 3-pièces-cuisine en un merveilleux petit palais douillet. Ah oui, j'oubliais : il cesse de boire. Enfin, pas tout à fait, justement, et le peu de bière qu'il se sirote entre dix heures et minuit suffit à le tuer, lentement, comme pour achever dans la durée et en douceur un processus amorcé à la dure et aux alcools forts.
- Eh oui, la vie n'est pas cirrhose... Et alors ?
- Et alors voilà, j'en suis là, il reste six pages, liste des "oeuvres du même auteur dans la même collection" et feuilles blanches pour les notes personnelles comprises.
- Donc, en fait, c'est l'histoire d'un type qui passe sa vie d'homme à rechercher sa chambre mortuaire et qui, une fois qu'il l'a trouvée, l'apprête au mieux, et comme par hasard c'est un héritage... L'éditeur, c'est la Pensée Universelle ou la Société Internationale de Psychanalyse ?
- Quel cynisme, la Belle ! Tu ne trouves pas ça un tout petit peu émouvant ? Ton cours s'est mal passé ? Pas concluant ?
- Le cours a duré à peu de choses près vingt minutes, et Dornel, lui, ne marche pas à la bière mais à la pêche bien mûre.
- ??
Elle ôta son manteau et vida sa sacoche.
- Il a de jolies mains mais fait trop marcher sa bouche. Il a commencé par poétiser dans son verger puis, croyant remarquer que je ne suivais pas très bien la rhapsodie, il a décrété la fin du cours. Je crois que je lui ai plu, quand même, mais comme c'est un monsieur qui rêve de savoir garder ses distances, je demeure intacte, et toi, incocu.
- Pardon ?
- "IN-COCU", "PAS COCU", tu es le seul, l'unique, l'inestimable, le tatoué, le vu-à-la-télé, le réverbère de mes jours... Tu sais ce que j'ai appris aujourd'hui ?
- Majéna, il s'est passé quelque chose...
- Oui, probablement, quelque part...
Elle disposait en tremblant les feuillets sur le pupitre de l'épinette.
- Majéna, je suis sérieux !
- Normal, avec tes lectures d'auto-fossoyeur !
Elle chantonna "I was cleaning ma chapel of rest when the telephone rang...". Au fur et à mesure qu'elle improvisait sa chansonnette, son bras gauche, relâché et comme sans vie, s'abaissa lentement sur l'instrument. Son deuxième et son troisième doigt effleurèrent les touches du do et du si, puis se mirent à les faire sonner en alternance, lentement, de plus en plus vite, jusqu'à ce qu'on ne pût les discerner.
- Tu vois, ça c'est un "pincé", ou une "cadence", je confonds toujours... On en trouve souvent en début de prélude, sur une note plutôt grave, et ça sert... Tiens, voilà comment Dornel le dirait : "ça sert à OUVRIR L'ESPACE SONORE" !!
Elle éclata de rire et, tout en continuant à battre les deux notes, changea de mélopée, "Send my body home... Let me have a second drive In the children paradise...". Le bras droit de son pull pendait le long du buste, parfois crispé par brèves saccades ; la manche vide, nouée comme à l'habitude en son extrémité, tremblotait alors ainsi qu'une marotte de chiffon.
Résigné, Jérôme glissa hors du lit, prit deux comprimés dans une soucoupe au centre de la table basse, et les lâcha sur le couvercle de l'épinette. En rebondissant, l'un d'eux tomba sur le lino.
Il s'assit et reprit sa lecture.
22.2.09
Marcelade
Histoire de régler définitivo-provisoirement la question de savoir QUI est là, en ce moment, à vous regarder lire, un petit questionnaire de Proust, rempli en 10 minutes, sans recherche d'effets - de style ou de pensée - et avec toute la sincérité dont celui qui reste caché peut faire montre.
Anyway, le repos est silence.
Le principal trait de mon caractère : le pas fini.
La qualité que je préfère chez un homme : la rapidité.
La qualité que je préfère chez une femme : la souplesse.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : leurs talents, quels qu'ils soient.
Mon principal défaut : le vide.
Mon occupation préférée : combler.
Mon rêve de bonheur : faire chaque jour quelque chose à partir de rien.
Quel serait mon plus grand malheur ? Perdre un enfant.
Ce que je voudrais être : une amibe, ou un plat longuement mijoté.
Le pays où je désirerais vivre : désertique, froid et sec.
La couleur que je préfère : impossible de répondre, les couleurs sont les réponses aux questions qu'elles se posent.
La fleur que j'aime : le crocus.
L'oiseau que je préfère : la linotte.
Mes auteurs favoris en prose : en ce moment, John Burnside, José Saramago, Eric Chevillard.
Mes poètes préférés : Dante, Tristan Lhermite, Apollinaire, Jules Laforgue, Louise Labé.
Mes héros dans la fiction : Patrick Bateman chez B. E. Ellis, les narrateurs chez Philip Roth, Tristram Shandy, le neveu de Rameau.
Mes héroïnes favorites dans la fiction : Marylin dans Blonde, Ariah Littrell dans Les Chutes, de J.C. Oates.
Mes compositeurs préférés : en ce moment, J.D. Zelenka, Phil Glass, Steve Reich, G.F. Sances, Rodolphe Burger.
Mes peintres favoris : Jason Pollock, Le Tintoret, P. Mantegna, Fragonard.
Mes héros dans la vie réelle : les pompiers, les urgentistes, les ostéopathes...
Mes héroïnes dans l'Histoire : L'épouse de Carlo Gesualdo, Anna Mandlikova.
Les noms favoris : les noms de maladies.
Ce que je déteste par dessus tout : la jalousie.
Personnages historiques que je déteste le plus : tous ceux qui ont agi "sur ordre".
Le fait militaire que j'admire le plus : le siège de Lisbonne, raconté par Saramago.
La réforme que j'estime le plus : l'abolition de la peine de mort, où que ce soit.
Le don de la nature que je voudrais avoir : je n'aime pas l'expression "don de la nature"...
Comment j'aimerais mourir : ivre par tous moyens.
Etat présent de mon esprit : sobre, dans le conatus à donf.
Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence : l'infidélité, l'étourderie, la maladresse.
Ma devise : Mutatis Mutandis.